Le 2 avril 2018
« Eviter de mettre le Kosovo et le Sahara Occidental dans le même panier »
Au regard du droit international, le territoire du Kosovo fait partie intégrante de la Serbie alors que le Sahara Occidental est un territoire non autonome reconnu comme tel par les Nations Unies
Par Tanja Vujic
Lors de sa récente visite officielle en Serbie, le Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale de l’Algérie, Abdelkader Messahel s’est entretenu avec son hôte, Premier vice-premier Ministre et Ministre des Affaires Etrangères, Ivica Dacic des relations bilatérales, des potentialités de promouvoir la coopération et des questions internationales et régionales d’actualité tels le terrorisme transfrontalier et la question des migrations. Le Chef de la diplomatie algérienne a eu des rencontres séparées avec Mme le Premier Ministre, Ana Brnabic et le Vice-premier Ministre, Ministre du Commerce, du Tourisme et des Télécommunications, Rasim Ljajic.
« Je me réjouis d’avoir séjourné à Belgrade, une ville chargée de symboles pour les algériens qui ont, en mémoire, le soutien accordé par la Yougoslavie à la lutte du peuple algérien pour son indépendance », a dit Messahel dans l’interview accordée à notre quotidien.
Monsieur le Ministre, quel bilan faites-vous de cette visite et de vos entretiens avec les responsables serbes.
Je me félicite de la qualité des relations entre l’Algérie et la Serbie et ma visite traduit la volonté de l’Algérie de les renforcer davantage. C’est le sens du message que m’a chargé Monsieur le Président de la République Abdelaziz Bouteflika de transmettre à son homologue serbe Monsieur Aleksandar Vucic.
Nous avons signé des accords dans les domaines des sports et de la protection de l’environnement et nous avons convenu de poursuivre la réactualisation du cadre juridique de notre coopération. Plusieurs accords dans différents domaines sont en cours de finalisation et seront signés lors de la 21ème session de la commission mixte qui se tiendra à Alger avant la fin de cette année.
L’Algérie soutient la Serbie sur la question du Kosovo et le Ministère des Affaires Etrangères de Serbie vient de publier un communiqué clarifiant la position de la Serbie sur la question du Sahara Occidental où il souligne l’attachement de la Serbie au Droit International, qu’en pensez-vous ?
Effectivement, certains entretiennent l’amalgame entre ces deux questions totalement différentes, dans leur genèse, dans leur problématique juridique et dans leur approche par les institutions régionales ou internationales. Au regard du droit international, le territoire du Kosovo fait partie intégrante de la Serbie et c’est parce que l’Algérie est attachée au respect du droit international, qu’elle n’a pas reconnu l’indépendance du Kosovo.
En revanche, le Sahara Occidental, au regard du droit international, c’est un territoire non autonome reconnu comme tel par les Nations Unies et auquel doit être appliquée la doctrine des Nations Unies en matière de décolonisation.
Le règlement de cette question doit donc se faire sur la base des principes du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. C’est d’ailleurs, la position des Nations Unies et de l’Union Africaine dont la République Arabe Sahraouie est membre fondateur, faut-il le rappeler. C’est également ce qui a été récemment souligné par la Cour de Justice Européenne qui a considéré le territoire du Sahara Occidental comme un territoire « séparé et distinct » du Maroc et auquel il ne peut lui être appliqués les accords conclus entre le Maroc et l’Union Européenne.
De ce fait, le respect de l’intégrité territoriale au regard du droit international et même le bon sens, signifie bien le respect de l’intégrité d’un pays dont le territoire est juridiquement délimité et aux frontières internationalement reconnues. Je rappelle à cet égard, deux principes cardinaux qui ont fait les fondements de l’unité africaine à savoir le principe de l’intangibilité des frontières hérités aux indépendances et le principe du droit inaliénable des peuples à l’autodétermination.
Cette question est claire aussi bien pour nous que pour la République de Serbie qui vient de le souligner dans le communiqué du ministère des affaires Etrangère que vous avez cité et qui a été confirmé par mon homologue lors de notre conférence de presse conjointe, qui a réaffirmé l’attachement de la Serbie aux résolutions des Nations Unies qui prévoient un dialogue sans conditions entre les deux parties en conflit, reconnues comme telles par les Nations unies.
L’expérience algérienne en matière de lutte contre le terrorisme est reconnue sur le plan international, Comment l’Algérie et la Serbie peuvent-elles coopérer dans ce domaine ?
Comme vous le savez, l’Algérie a souffert de ce fléau et elle l’a combattu, seule, dans l’indifférence générale du monde, et elle n’a jamais cessé de militer pour sensibiliser la communauté internationale sur le caractère criminel et transfrontalier de ce phénomène et sur la nécessité d’une mobilisation solidaire de tous les pays pour lui faire face. La coopération en matière de lutte anti-terroriste concerne l’échange d’informations, suppose des mesures efficaces pour assécher les sources de financement du terrorisme et également la lutte contre le trafic d’armes et de drogues.
Mais notre approche va plus loin que ça. Notre action concerne également le cadrage du discours religieux, la promotion des valeurs de paix, de tolérance et de compréhension entre les différentes religions et les différentes cultures.
La politique de réconciliation nationale initiée par le Président Bouteflika en Algérie, nous avons voulu la partager avec le monde. C’est ainsi qu’à l’initiative de l’Algérie, l’Assemblée Générale des Nations Unies a adopté en décembre 2017, une résolution pour la promotion du « Vivre Ensemble en paix » et a consacré la journée du 16 mais comme une journée internationale du vivre ensemble en paix, qui sera célébrée à travers le monde et contribuera, nous l’espérons, à rapprocher les êtres humains, dans leur diversité, culturelle, ethnique ou religieuse et à promouvoir la paix, la sécurité et le développement.
Monsieur le Ministre comment évaluez-vous les relations en matière de politique étrangère entre l’Algérie et l’UE.
En effet, au plan politique, l’Algérie est le premier pays nord-africain à conclure avec l’UE, en mars 2016, les priorités communes de partenariat dans le cadre de la nouvelle politique européenne de voisinage, lesquels articulent et structurent sa coopération avec l’Union. En outre, nous entretenons avec les responsables des institutions européennes un dialogue structuré autour de thématiques diverses et variées d’intérêt mutuel. Ce dialogue stratégique porte notamment sur les problématiques liées à la sécurité régionale, à la lutte anti-terroriste et à la déradicalisation, et ce à travers des rencontres de haut niveau que je co-préside avec la Haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Féderica Mogherini, et dont la première session a eu lieu à Bruxelles en octobre 2017.
Le secteur de l’énergie est également stratégique dans nos relations avec l’UE, l’Algérie étant le plus grand producteur de gaz naturel en Afrique et le 3e fournisseur de gaz naturel de l’UE, après la Russie et la Norvège. C’est donc tout naturellement que nous avons décidé conjointement de lancer, en mai 2015, un dialogue politique de haut niveau sur l’énergie et de lui donner un caractère régulier.
La coopération dans le domaine scientifique et technique ainsi que l’accroissement des échanges entre les universités algériennes et européennes s’est enrichie à la faveur de la signature par l’Algérie, le mois d’octobre 2017, de l’instrument d’adhésion à l’Initiative « Partenariat pour la Recherche et l’Innovation dans la Zone Méditerranéenne » (PRIMA), faisant d’elle le premier pays arabe à se joindre à cette initiative régionale.
Et pour terminer, l’énergie serait -elle à votre avis, une nouvelle carte clé, qui servira à modeler des relations politiques futures des pays des deux rives de la Méditerranée ?
L’Algérie remplit ses engagements en matière d’approvisionnement de certains pays européens en gaz. Cette relation, qui ne date pas d’aujourd’hui, se poursuit normalement. En ce qui concerne les relations politiques, l’Algérie œuvre, que ce soit sur le plan bilatéral ou dans le cadre des 5+5, à renforcer les liens entre les peuples des deux rives de la Méditerranée afin de faire de cet espace, qui a été le creuset d’une civilisation commune, un espace de paix, de stabilité et de prospérité partagée.
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