Interview de l’Ambassadeur Chebchoub au journal Danas

Mardi, 7 juillet 2020

Entretien avec S.E. M. Abdelhamid Chebchoub, Ambassadeur d’Algérie en Serbie

  • L’Algérie commémore une grande fête : sa Journée Nationale.  Qu’est-ce que cette date importante de l’histoire de votre pays évoque pour vous ?

– Le 5 juillet marque le jour de l’indépendance de l’Algérie en 1962 après une lutte de libération nationale qui a débuté le 1er novembre 1954 et qui a mis fin au système colonial français imposé au peuple algérien durant 132 ans. Cette date est célébrée en Algérie comme étant la date de recouvrement de l’indépendance du pays, mais également comme fête de la jeunesse, en reconnaissance au rôle majeur de la jeunesse du pays dans la guerre de libération nationale. Cette année, la fête coïncide avec le retour en Algérie des restes de 24 résistants décapités par l’armée coloniale durant la résistance à l’envahisseur au XIXème siècle et dont les cranes étaient gardés au Musée de l’Homme à Paris. Une cérémonie a été organisée pour leur rendre hommage et procéder à leur inhumation dans la dignité.

  • Le quarantième anniversaire de la disparition du président yougoslave Josip Broz Tito qui a donné un grand soutien à l’Algérie et à votre peuple a été marqué en mai de cette année. Comment voyez-vous les relations entre les deux pays à l’époque et aujourd’hui ?

– On ne peut évoquer cette journée sans se rappeler du soutien apporté par l’ex Yougoslavie et le Président Tito à la lutte de libération nationale d’abord et aux efforts de reconstruction après l’indépendance. C’est cet héritage et cette amitié qui fondent aujourd’hui les relations algéro-serbes. Je voudrais à cette occasion saluer la mémoire du Président Tito ainsi que celle de Stevan Labudovic, le cameraman de Filmske Novosti, dépêché par Tito lui-même dans les zones de combat en Algérie et qui a contribué par ses images, à rendre compte de la réalité de la guerre de libération.

Les relations politiques entre nos deux pays sont excellentes. Sur la question du Kosovo, l’Algérie a une position constante de non-reconnaissance de l’indépendance du Kosovo. Sur le plan économique, les échanges restent en deçà de nos potentialités respectives. Il y a des opportunités d’affaires que les opérateurs économiques des deux pays peuvent exploiter.

  • Dans quelle direction évolue l’Algérie suite aux événements qui ont marqué l’année 2019 ?

–  Les évènements de l’année 2019 marquent l’avènement d’une ère nouvelle. Les marches organisées dans les villes ont suscité l’admiration du monde par leur caractère pacifique et le sens du civisme qui les a caractérisées. Il s’agit maintenant de répondre aux aspirations et aux revendications exprimées lors de ces manifestations. Des réformes profondes ont été annoncée par le Président de la République, notamment une révision de la Constitution dans le sens d’une adaptation du modèle économique et politique du pays aux mutations profondes de la société par un approfondissement du caractère démocratique des institutions et un renforcement des libertés individuelles et collectives. Un débat qui a été engagé au niveau national a été certes, perturbé par l’épidémie mais ces réformes restent la priorité du gouvernement algérien.

  • Comment l’Algérie fait face à la pandémie du corona virus ? Dans quelle mesure la crise du Covid 19 a-t-elle eu des conséquences sur l’économie et la vie des citoyens ?

Touchée comme tous les pays par cette terrible pandémie, l’Algérie a mis en place, dès l’annonce par l’Oms de la propagation du virus, un dispositif de surveillance et d’alerte qui a été renforcé dès la détection d’un premier cas de contamination le 25 février 2020.

Parallèlement les infrastructures de santé ont été équipées des moyens nécessaires pour faire face à cette épidémie et une campagne de sensibilisation de la population pour le respect des règles sanitaires a été lancée. Avec l’accroissement du nombre de cas, les autorités ont été contraintes d’imposer un confinement à la population et de fermer les frontières. Ces mesures sont encore en vigueur aujourd’hui.

Effectivement, l’épidémie a eu un impact négatif sur les économies de tous les pays.  En Algérie, le gouvernement a décidé de donner la priorité à la préservation des vies humaines par la mobilisation de tous les moyens à cet effet tout en faisant l’effort de maintenir l’appareil économique en activité. Sur le plan international, l’Algérie participe au fonds de solidarité mis en place par l’Union Africaine et entretient une coopération dense avec la Chine dans la lutte contre cette pandémie.

Sur la plan bilatéral, l’Algérie a apporté une assistance a plusieurs pays africains et aux réfugiés sahraouis pour atténuer l’impact de cette pandémie sur les populations africaines.

  • La situation en Libye voisine est complexe. Ces derniers temps on entend parler de plus en plus fréquemment d’une ingérence éventuelle de l’Armée égyptienne au conflit toujours non résolu en Libye.  Pensez-vous que cela puisse contribuer à la solution recherchée ?

– Nous estimons que la stabilisation de la Libye passe par l’ouverture d’un dialogue inclusif entre tous les acteurs libyens, le rejet de l’intervention étrangère et le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Libye. C’est pour cet objectif que l’Algérie a œuvré depuis le début de la crise, en entamant des contacts avec toutes les parties pour les amener à la table de négociations. Parallèlement, l’Algérie a mené des consultations régulières avec ls pays frontaliers de la Libye qui sont concernés par le règlement de cette crise en raison de son impact sur la sécurité et la stabilité de la région. C’est cette dynamique qui a rendu possible les premières rencontres entre les protagonistes de la crise. La multiplication des initiatives et les interventions étrangères sont venues ralentir ce processus mais l’approche de l’Algérie reste aujourd’hui la référence pour le règlement de cette situation et la diplomatie algérienne demeure incontournable dans la recherche d’une solution. Nous poursuivons nos efforts malgré les difficultés actuelles et nous gardons espoir de faire taire les armes en Libye et de voir le peuple frère de Libye retrouver la paix et la stabilité.

  • La question du Sahara Occidental reste toujours posée au niveau des Nations Unies et de l’Union Africaine. Est-ce qu’il y a un espoir pour son règlement ?

L’Algérie estime que la question du Sahara occidental est une question de décolonisation. La problématique résulte de l’occupation illégale de ce territoire par le Maroc en violation des principes et objectifs de la Charte des Nations Unies. Ce territoire est inscrit depuis 1963 par les Nations Unies, sur la liste des territoires non autonome dont le statut final doit être déterminé par l’exercice par le peuple sahraoui de son droit à l’autodétermination et à l’indépendance à travers l’organisation d’un référendum conformément aux résolutions des Nations Unies. Cette vérité est régulièrement réaffirmée par les Nations Unies et l’Union Africaine. Elle vient d’être rappelée récemment, par l’Union Européenne par la voix de Joseph Borrell, Haut Représentant pour les Affaires Etrangères et la Politique de Sécurité. Pour sa part, l’Algérie ne cesse d’appeler à l’application des résolutions des Nations Unies et de l’Union Africaine. Malheureusement le Maroc persiste dans le blocage systématique des efforts que la communauté internationale déploie pour trouver une solution juste et durable à ce conflit. Les parties à ce conflit ont été clairement identifiées, il s’agit du Maroc et du Polisario. L’Algérie reste disposée à contribuer à une solution conforme au droit international et aux aspirations du peuple sahraoui.

Propos recueillis par Ivana Šundić Mihovilović


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