L’Algérie célèbre le 1er novembre sa Fête Nationale qui marque le début de la lutte de libération nationale en 1954 contre l’administration coloniale française. Cette année, les citoyens algériens sortent aux urnes ce jour-là pour se prononcer sur le projet de Révision de la Constitution pour répondre aux revendications exprimées lors des manifestations populaires de plusieurs mois en 2019.
1. M.Chebchoub, l’Algérie vit-elle actuellement un tournant politique ?
Oui, je crois que l’Algérie est en train de passer à une nouvelle étape dans le processus historique de construction de son l’Etat, dans le prolongement justement de la lutte de libération nationale déclenchée le 1er novembre 1954 qui était l’acte de résurrection de cet Etat après une longue nuit coloniale. Depuis l’indépendance, l’Algérie a connu des réformes de son système économique et politique, imposées par les mutations de la société algérienne et par les exigences d’un ordre international en constante évolution.
Issu d’une guerre de libération, l’Etat algérien, post-indépendance, s’était organisé autour des priorités du moment, comme la préservation de l’unité du peuple, de son identité, la défense de sa souveraineté, chèrement acquise, le développement économique, l’enseignement, la santé, la construction d’infrastructures…
D’autres réformes se sont imposées par la suite, en réponse à des aspirations au pluralisme politique, à la liberté d’expression et d’opinion, à la libre entreprise économique.
Il était normal que l’organisation de l’Etat et de son fonctionnement a connu à plusieurs périodes, des adaptations à la réalité de la société algérienne, en réponse à des aspirations populaires ou à des revendications socio-professionnelles.
Le mouvement populaire déclenchée le 22 février 2019, s’inscrit dans cette même dynamique de mutation de la société. Toutefois, ce mouvement revêt des caractéristiques particulières du fait de sa globalité, de sa spontanéité, de son mode d’expression. Il n’exprime pas les aspirations d’une catégorie socio-professionnelle, d’une catégorie d’âge, comme il n’est pas porté par un courant idéologique précis. C’est un élan de toute la population et une revendication d’un changement globale et profond. Ce qui doit être souligné, c’est aussi son caractère pacifique, qui a frappé l’admiration du monde entier.
Oui, de ce fait, c’est donc un tournant politique majeur dans le pays. Il s’agit maintenant de répondre aux aspiration légitime exprimées par ce mouvement du 22 février et ne pas se limiter à des réformes partielles comme cela a été le cas par le passé, mais il est temps d’opérer une véritable rupture avec les pratiques négatives dans le fonctionnement de nos institutions.
2.Un des principaux amendements constitutionnels qui seront soumis au vote, est celui de permettre à l’Armée de participer aux opérations en dehors des frontières étatiques qui doivent être approuvées par deux tiers d’élus et supervisées par l’ONU, l’UA et la Ligue arabe. Comment l’Algérie voit la situation militaro-politique actuelle dans le Maghreb et le Sahel ?
Le projet de constitution qui a été soumis le 1er novembre à un referendum ne concerne pas seulement le point que vous avez évoqué, mais une série d’amendements ont été introduites notamment en matière de liberté individuelles et collectives, le renforcement de la démocratie dans nos institutions, la séparation des pouvoirs, la limitation des mandats du Président à deux mandats…
En ce qui concerne l’amendement relatif à la participation de l’armée algérienne à des opérations à l’extérieur, il s’agit de permettre à notre armée de prendre part à des opérations de maintient de la paix sous l’égide des Nations Unies, de l’Union Africaine ou de la Ligue arabe, conformément aux principes et objectifs de la Charte des Nations Unies.
Effectivement, notre région connait des foyers de tension qui menace sa stabilité tel le conflit du Sahara Occidental, la crise en Libye, ou la situation au Mali.
La diplomatie de l’Algérie, a toujours joué un rôle positif dans le reglement pacifique des différends et son rôle stabilisateur dans la région est reconnu et salué régulièrement par les grandes puissances. Nous avons déployé de grands efforts pour rapprocher les protagonistes de la crise en Libye ou en supervisant les accords de paix et de réconciliation au Mali. Nous l’avons fait dans la discrétion, sans la recherche de l’effet spectacle et sans s’attribuer la paternité des résultats obtenus, parfois très difficilement, en plaçant notre action dans le cadre des efforts des Nations Unies. C’était notre devoir, mus uniquement par notre amitié pour nos voisins et notre volonté d’assurer la paix et la stabilité à nos frontières.
C’est le même souci qui nous anime pour la question du Sahara occidental. Malheureusement, le Maroc, qui occupe illégalement ce territoire, en violation du droit international, persiste dans son entêtement et refuse de permettre au peuple sahraoui d’exercer son droit légitime à l’autodétermination
conformément aux principes des Nations Unies. Cela constitue une menace pour la paix, la sécurité et le développement dans notre région. Pour sa part, l’Algérie reste attachée au respect du droit international à ce sujet.
3. L’Algérie dispose de très grandes réserves du gaz naturel qui devient de plus en plus un besoin vital du marché européen d’énergie. A quel point l’Union européenne est-elle un marché attrayant pour le gaz Algérien ?
Oui l’Algérie, 10ème producteur mondial, reste une source importante d’approvisionnement de l’Europe en gaz, favorisé par sa proximité. Toutefois nous assistons à une offensive d’autres producteurs vers l’Europe, mais nous tentons d’assurer nos parts de marché avec des clients traditionnels dont la relation avec l’Algérie est fondée sur la confiance et la stabilité.
4. L’Algérie et Belgrade ont une coopération dense depuis l’époque du non-alignement. Quel est le niveau des relations globales entre nos deux pays aujourd’hui ?
La relation entre l’Algérie et la Serbie reste fondée sur l’héritage historique de cette relation particulière d’amitié et de coopération entre l’Algérie et l’ex Yougoslavie. Elle a été adaptée aux nouvelles réalités politiques et économiques des deux pays. Sur la plan politique nous partageons les mêmes positions sur les grands dossiers de politique extérieure. Sur le plan économique, les échanges restent en deçà des potentialités de nos deux pays. L’ambassade tente de promouvoir les contacts entre les operateurs économiques pour élever les échanges économiques au niveau des relations politiques.
5. Le flux des migrants d’Asie et d’Afrique est l’un des défis extérieurs les plus difficiles pour les rives australes de la Méditerranée. Quelles sont les expériences algériennes en matière de migrations ?
Effectivement la migration est aujourd’hui un défi auquel font face nos pays. L’Algérie est dans une situation particulière. Elle partage des frontières avec sept pays( Tunisie, Libye, Maroc, République Arabe Sahraouie Démocratique, Mali, Mauritanie, Niger) dont certains sont des foyers de tension. Aussi notre pays connait un flux important de migrants. Il faut rappeler que le flux migratoire en provenance de l’Afrique subsaharienne vers l’Europe, transite par l’Algérie qui est devenu ces dernières années un pays d’accueil. Notre approche est globale. Il faut respecter la dignité des migrants et trouver des solutions aux causes de ce phénomène, qui sont les conflits et la pauvreté.
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